Vente aux enchères sur la place du marché

 

 

LE chariot avait fini par s’immobiliser, et, en contrebas, la Belle put apercevoir, à travers l’enchevêtrement des bras à la peau blanche et des chevelures ébouriffées, le mur d’enceinte du village, avec ses portes ouvertes et une foule bariolée qui investissait le pré.

Les esclaves furent promptement déchargés du chariot, et on les força, sous la morsure des coups de ceinture, à se regrouper sur l’herbe. Tout de suite, la Belle fut séparée de Tristan, qui se retrouva poussé à l’écart, loin d’elle, brutalement, sans aucun autre motif apparent que le caprice d’un garde.

Les autres se virent retirer de la bouche leur mors de cuir.

— Silence ! imposa la voix forte du Commandant. Au village, les esclaves n’ont pas droit à la parole ! Quiconque parlera sera de nouveau bâillonné, et encore plus sévèrement !

Sur sa monture il fit le tour du petit troupeau, pressant les esclaves les uns contre les autres, et il donna l’ordre de leur délier les mains, mais malheur à celui, mâle ou femelle, qui les retirerait de sa nuque.

— Le village n’a pas besoin d’entendre vos voix impudentes ! poursuivit-il. Vous êtes désormais des bêtes de charge, même si cette charge est un labeur de plaisir ! Et vous garderez vos mains sur la nuque, sans quoi on vous mettra le joug et on vous mènera à travers champs, devant une charrue !

La Belle fut secouée de violents tremblements. On la contraignit à avancer, et elle perdit Tristan de vue. Autour d’elle, ce n’étaient que longues chevelures balayées par le vent, têtes courbées et larmes. Une fois libérés de leurs bâillons, les esclaves donnaient l’impression de contenir un peu plus leurs pleurs, déployant tous leurs efforts pour conserver les lèvres closes, et les gardes les apostrophaient avec des voix d’une brutalité insoutenable !

— Avancez ! La tête levée !

Les ordres tombaient avec impatience et brusquerie. Au son de ces voix pleines de colère, la Belle sentait des frissons lui remonter le long des bras et des jambes. Tristan était derrière elle, elle ne savait où – si seulement il avait pu se rapprocher d’elle.

Et pourquoi les avait-on fait descendre ici, si loin du village ? Et pourquoi faisait-on faire un demi-tour au chariot ?

Tout à coup, elle sut. On allait les conduire à pied, comme une troupe d’oies que l’on mène au marché. Et, à peine cette idée lui était-elle venue à l’esprit, les gardes à cheval fondirent sur le petit groupe et commencèrent de le faire avancer sous une grêle de coups.

« C’est trop cruel », se dit la Belle. Elle se mit à courir, toute tremblante, et le coup de battoir vint la cueillir, comme toujours, au moment où elle s’y attendait le moins, la propulsant en avant, ses pieds ne faisant plus qu’effleurer la terre meuble et fraîchement retournée de la route.

— Au trot, tête levée ! hurlait le garde, et aussi les genoux levés !

La Belle vit les sabots des chevaux frapper le sol à côté d’elle, exactement comme elle les avait vus auparavant sur le Sentier de la Bride abattue, au château, et elle sentit la même appréhension féroce qu’alors chaque fois que le battoir lui claquait les cuisses et les mollets. Elle courait, ses seins lui faisaient mal, et une douleur sourde et brûlante irradiait dans ses jambes douloureuses.

Elle ne pouvait voir la foule distinctement, mais elle savait qu’ils étaient là, des centaines de villageois, peut-être même des milliers, une marée qui se répandait par les portes du village pour venir au-devant des esclaves. « Et nous allons être conduits au beau milieu d’eux ; c’est trop épouvantable », se dit-elle ; soudain, la résolution qu’elle avait prise dans le chariot de désobéir, de se rebeller la quitta. Elle était tout bonnement trop effrayée. Et elle courait aussi vite qu’elle pouvait sur la route qui descendait tout en bas jusqu’au village, et, elle avait beau se dépêcher, le battoir l’attendait, jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle avait si bien lutté pour traverser les premières rangées d’esclaves qu’elle courait maintenant à leur hauteur, sans plus personne à présent pour lui masquer le spectacle de cette foule énorme.

Sur les remparts flottaient des étendards. Des bras décrivaient de grands gestes, des vivats ponctuaient l’approche des esclaves, et au milieu de toute cette excitation perçaient les quolibets de dérision ; le cœur de la Belle cognait sourdement, et elle tâchait de ne pas chercher à distinguer trop clairement ce qui l’attendait, même si elle n’avait guère de moyen d’esquive.

« Aucune protection, nulle part où se cacher, et où est Tristan se demanda-t-elle ? Pourquoi ne pas me replonger dans la horde ? » Mais, lorsqu’elle s’y essaya, le battoir vint la frapper en retentissant, tandis que le garde lui hurlait d’avancer. Les coups s’abattaient sur les autres autour d’elle au point de faire fondre en larmes d’impuissance la petite Princesse rousse qui se tenait à sa droite. « Oh, que va-t-il nous arriver ? Pourquoi avons-nous désobéi ? », et ses gémissements furent entrecoupés de sanglots. Mais le Prince aux cheveux noirs qui se trouvait, lui, à droite de la Belle lui lança un coup d’œil en guise d’avertissement : « Du calme, sinon ce sera pire ! »

La Belle ne put s’empêcher de penser au long périple qu’elle avait effectué à pied jusqu’au Royaume du Prince Héritier, comment il l’avait menée par des villages où elle avait été honorée et admirée comme son esclave de choix. Rien de tel, à présent.

À l’approche des portes, la foule avait rompu les amarres et se déployait de part et d’autre des captifs. La Belle put voir de près les femmes, en tablier blanc de fête et en galoches, et les hommes chaussés de bottes de peau et en pourpoint de cuir, des visages robustes, de toutes parts, manifestement rayonnants de plaisir. La Belle en eut le souffle coupé et laissa tomber le regard sur le chemin devant elle.

Ils passèrent les portes. On sonna de la trompette. Et, de partout, des mains se tendirent pour les toucher, les pousser, leur tirer les cheveux. La Belle sentit des doigts lui passer sans ménagement sur la figure ; on lui gifla les cuisses. Elle laissa échapper un cri désespéré tout en se débattant pour échapper aux mains qui la poussaient violemment, tandis qu’autour d’elle s’élevaient les rires, forts, épais, moqueurs, les hurlements et les exclamations, et puis, ici et là, des cris isolés.

La Belle avait le visage inondé de larmes, sans qu’elle s’en soit même encore aperçue. Sa poitrine palpitait de la même pulsation violente qu’elle sentait battre à hauteur de ses tempes. Autour d’elle, elle vit les maisons du village, élevées, étroites, à colombage, qui décrivaient une large courbe le long d’une vaste place où se tenait un marché. Une haute estrade de bois, surmontée d’un gibet, dominait tout Et ils étaient là, par centaines, massés aux fenêtres et aux balcons qui surplombaient la place, agitant des mouchoirs blancs, poussant des vivats ; il y en avait d’autres encore, à ne pouvoir les compter, qui engorgeaient les ruelles encaissées débouchant sur la place, tout ce monde jouant des coudes et se bousculant pour se rapprocher des malheureux esclaves.

On regroupa ceux-ci de force dans un enclos situé derrière l’estrade. La Belle découvrit une volée de marches de bois branlantes qui menait jusque sur les planches et une longueur de chaîne en cuir suspendue au-dessus du gibet. Sur un côté de la potence, il y avait un homme qui attendait debout, les bras croisés, tandis qu’un autre sonnait de nouveau un coup de trompette pendant que l’on refermait les portes de l’enclos. La foule les encercla, et il n’y eut plus que le mince bandeau de la palissade pour les protéger. Encore une fois, des mains se tendirent vers eux, et ils se blottirent les uns contre les autres. On pinça les fesses de la Belle, on lui souleva sa longue chevelure.

Elle se débattit désespérément pour gagner le centre de l’enclos, à la recherche de Tristan. Elle ne l’aperçut qu’un bref instant quand on le rudoya pour le pousser jusqu’au pied de l’escalier.

« Il faut qu’on me vende avec lui », se dit-elle, et elle poussa violemment devant elle, mais l’un des gardes la refoula dans le petit groupe, tandis que la foule huait, beuglante et rigolarde.

La Princesse rousse, celle qui avait pleuré sur la route, était devenue inconsolable, et la Belle se serra tout près d’elle afin de la réconforter et de se cacher en même temps. La Princesse avait des seins ravissants, plantés haut, des tétons très larges et roses, et ses cheveux roux cascadaient en rigoles sur son visage trempé de larmes. La foule se remettait à pousser des vivats et des hurlements, maintenant que le héraut en avait fini.

— N’ayez pas peur, lui chuchota la Belle. Souvenez-vous, finalement, ce sera tout comme au château. Nous serons punis, on nous fera obéir.

— Non, ce ne sera pas pareil ! chuchota la Princesse en tâchant de ne pas remuer les lèvres de façon trop visible. Et moi qui me prenais pour une rebelle. Et moi qui me prenais pour une entêtée farouche.

La trompette lâcha un troisième appel lancé à pleins poumons, une série de notes aiguës qui laissèrent un écho derrière elles. Et, dans le silence qui s’abattit immédiatement après sur la place du marché, une voix retentit :

— Nous allons maintenant procéder à la grande vente de printemps !

Un rugissement s’éleva tout autour d’eux, un chœur presque assourdissant, d’une force qui mit la Belle en état de choc, à tel point qu’elle ne se sentait plus respirer. La vue de ses propres seins palpitants la laissa abasourdie. D’un coup d’œil, elle embrassa la scène, vit des centaines d’yeux passer sur elle, l’examiner, prendre la mesure de ses attributs dénudés, et cent lèvres animées de chuchotis et de sourires.

Entre-temps, les Princes subissaient les tourments des gardes : leurs queues légèrement fouettées par les ceintures de cuir, des mains pétrissant leurs couilles pendantes, on les contraignit à se mettre au garde-à-vous et, s’ils ne s’exécutaient pas, on les punissait de sévères coups de battoir sur les fesses. Tristan tournait le dos à la Belle. Elle put donc voir les muscles durs et parfaits de ses jambes et de ses fesses tressaillir lorsque le garde les taquina, en lui passant la main sans ménagement dans l’entrejambe. Dès lors, elle regretta amèrement leur étreinte amoureuse à la dérobée. Si jamais il ne parvenait pas à se tenir au garde-à-vous, c’était elle qui serait à blâmer.

Mais la voix tonnante résonna de nouveau.

— Tous ceux qui habitent le village connaissent les règles de la vente. Ces esclaves désobéissants, que Notre Gracieuse Majesté nous destine afin qu’ils fournissent un dur labeur, doivent être vendus au plus offrant, pour une période de service qui ne saurait être en aucun cas inférieure à trois mois, à la convenance de leurs Seigneurs et Maîtres. Ces impénitents devront demeurer dans leur condition de muets serviteurs, et ils devront être amenés sur la Place des Châtiments publics aussi souvent que leurs Maîtres et Maîtresses le permettront, afin d’y être soumis à toutes les souffrances, pour l’amusement de la foule autant que pour leur propre édification.

Le garde s’était éloigné de Tristan tout en lui chuchotant quelque chose à l’oreille, et lui assena un coup de son battoir au passage, non sans espièglerie, et avec le sourire.

— Vous êtes solennellement chargés, poursuivit, sur l’estrade, le héraut, de faire travailler ces esclaves, de les punir, de ne tolérer aucune désobéissance de leur part, et jamais la moindre parole impudente. Et tous les Maîtres et Maîtresses ont loisir de vendre leur esclave à l’intérieur de ce village, à tout moment, pour la somme de leur choix.

La Princesse rousse pressa ses seins nus contre la Belle, et la Belle se pencha en avant pour l’embrasser dans le cou. Elle sentit la toison dense et drue du pubis de la jeune fille contre sa jambe, sa moiteur et sa chaleur.

— Ne pleure pas, lui chuchota-t-elle.

— Lorsque nous repartirons d’ici, je me conduirai à la perfection, à la perfection ! lui confia la Princesse, et elle éclata de nouveau en sanglots.

— Mais qu’est-ce qui vous a amenée à désobéir ? lui chuchota à la dérobée la Belle à l’oreille.

— Je ne sais pas, gémit la fille en ouvrant tout grands ses yeux bleus. Je voulais voir ce qui arriverait ! et elle se remit à pleurer, pitoyablement.

— Qu’il soit bien entendu que chaque fois que vous punissez l’un de ces esclaves indignes, continua le héraut, vous exaucez le vœu de Sa Royale Majesté. C’est de sa main que vous frappez le coup que vous frappez, de ses lèvres que vous les chapitrez. Une fois par semaine, tous les esclaves doivent être envoyés aux bains publics pour leur toilette. Ils doivent être nourris convenablement. En toutes occasions, les esclaves doivent produire la preuve qu’ils ont été copieusement fouettés. L’insolence ou la rébellion seront réprimées avec la dernière intransigeance.

La sonnerie de trompette éclata de nouveau. Des mouchoirs blancs s’agitèrent, et de toutes parts des mains applaudirent par centaines. La Princesse rousse poussa un cri lorsqu’un jeune homme, qui se penchait par-dessus la palissade de l’enclos, l’attrapa par la cuisse et l’attira vers lui.

Le garde l’arrêta d’une réprimande bon enfant, lui laissant cependant le temps de glisser la main sous le sexe humide de la Princesse.

On conduisit alors Tristan sur l’estrade de bois. Montant les marches, il se tenait la tête haute, les mains noués à la nuque comme auparavant, dans une attitude toute de dignité, en dépit du battoir qui donnait avec vigueur sur ses fesses qu’il tenait étroitement serrées.

Pour la première fois, la Belle vit, au-dessous du haut gibet et des attaches de cuir qui en pendaient, une roue sur laquelle un homme de haute stature, l’air lugubre, en pourpoint de velours vert vif, força Tristan à prendre place. À coups de pied, il écarta les jambes de Tristan, comme s’il avait été hors de question d’adresser un ordre au Prince, fût-ce le plus élémentaire.

« On le traite comme un animal », songea la Belle, qui observait.

Debout un peu en arrière, le commissaire de la vente, un homme de grande taille lui aussi, actionnait la roue en appuyant de son pied sur une pédale, de manière à faire tourner Tristan à toute vitesse.

La Belle n’apercevait plus que fugitivement son visage écarlate, ses cheveux d’or et ses yeux bleus presque clos. De la sueur luisait sur sa poitrine et son ventre durs, sa queue, énorme et forte, – selon le souhait des gardes –, ses jambes légèrement tremblantes d’être si largement écartées.

Le désir se noua au sein de la Belle, elle le prit en pitié, elle sentit ses organes se remettre à gonfler et à palpiter, et, dans le même temps, fut saisie d’une peur terrible : « Être forcée de me tenir debout seule devant tout le monde, je ne peux pas. Être bradée de la sorte, je ne peux pas ! Je ne peux pas ! »

Mais combien de fois, au château, avait-elle prononcé ces mots-là. Un puissant éclat de rire, en provenance d’un balcon proche, la cueillit par surprise.

Partout, ce n’étaient que conversations bruyantes et disputes, et la roue tournait sans relâche, et les boucles blondes qui ruisselaient sur la nuque de Tristan le faisaient paraître plus nu et plus vulnérable.

— Un Prince d’une force exceptionnelle, cria le commissaire d’une voix plus forte, plus profonde encore que celle du héraut, en coupant court au brouhaha des conversations. Des membres longilignes, mais une ossature robuste. Assurément taillé pour le travail de maison, et plus certainement encore pour le travail des champs, et sans aucun doute pour le travail à l’étable.

La Belle tressaillit.

Le commissaire avait en main un battoir de cuir, de l’espèce longue et flexible qui ressemblait à une lanière rigide, et il en gifla le dard de Tristan, puis, lorsque ce dernier, achevant son tour, revint en position, face à l’enclos des esclaves, il annonça, en s’adressant à la cantonade :

— Un organe puissant, des plus empressés, capable de grands services, d’une endurance considérable, et des volées de rires s’élevèrent de la place.

Le commissaire tendit le bras, empoigna Tristan par les cheveux, le fit soudain se courber en deux tout en faisant pivoter encore une fois la roue, et Tristan demeura courbé dans la même posture.

— Des fesses excellentes, s’écria la voix profonde et tonitruante, et puis il y eut les inévitables coups de battoir qui laissèrent leurs marbrures rouges sur la peau de Tristan. Élastiques, douces ! cria le commissaire en appuyant sur la chair du bout du doigt (Puis il porta la main au visage de Tristan, le releva.) Et réservé, de tempérament calme, désireux de se montrer obéissant ! Et ça vaut mieux pour lui !

Un autre coup de battoir, et d’autres rires de toutes parts.

« À quoi pense-t-il, se dit la Belle. Je ne puis endurer cela ! »

À nouveau, le commissaire avait empoigné la tête de Tristan, et la Belle vit l’homme soulever un phallus de cuir noir accroché par une chaîne à la ceinture de son pourpoint de velours vert. Avant qu’elle ait pu réaliser ce qu’il avait l’intention de faire, il avait enfoncé l’instrument de cuir dans l’anus de Tristan, un geste qui, de tous les côtés de la place du marché, souleva une nouvelle salve de vivats et de cris, tandis que Tristan, le visage impassible, se courbait en position inclinée, comme un instant auparavant, jusqu’à terre.

— Ai-je besoin d’en dire plus ? cria le commissaire, ou les enchères vont-elles pouvoir commencer ?

Aussitôt, tous se lancèrent, et ce furent des enchères hurlées de toutes parts, chaque annonce, à peine enregistrée, étant aussitôt couverte par une autre, et même une femme, sur un balcon voisin – sûrement la femme d’un boutiquier, dans son riche corsage de velours et son chemisier de lin blanc –, se dressa sur la pointe des pieds pour lancer son enchère par-dessus la tête des autres.

« Tous ces gens sont si riches, se dit la Belle, tous, tisserands, teinturiers et orfèvres de la Reine en personne, et ainsi, chacun d’entre eux a de quoi nous acheter. » Même une femme d’allure rustaude, avec ses grosses mains rouges et un tablier taché, fit une enchère depuis le pas de porte de la boucherie, mais elle fut rapidement dépassée.

La petite roue continuait de tourner lentement, et le commissaire finit par inciter la foule, avec force flatteries, à mesure que les offres montaient. Avec une fine badine gainée de cuir qu’il tira d’un fourreau comme une épée, il piqua les chairs du derrière de Tristan et lui caressa l’anus. Tristan se tenait humblement immobile, et seule la folle rougeur de son visage trahissait sa détresse.

Alors, soudain, une voix s’éleva du fin fond de la place, couvrant largement toutes les enchères, et la Belle entendit un murmure parcourir la foule. Elle se mit sur la pointe des pieds pour essayer de voir ce qui se passait. Un homme s’était avancé jusque devant l’estrade et, à travers les tréteaux sur laquelle celle-ci reposait, elle put le voir. L’homme avait les cheveux blancs, mais pas l’âge de cette chevelure, qui, encadrant un visage carré et d’aspect plutôt paisible, lui conférait une élégance peu ordinaire.

— Ainsi le Chroniqueur de la Reine veut de cette Jeune et robuste monture, s’écria le commissaire. N’y a-t-il personne pour couvrir son enchère ? Vais-je entendre que l’on me propose plus pour ce Prince splendide ? Allons, en vérité…

Une autre enchère, mais aussitôt le Chroniqueur la couvrit, d’une voix si douce que ce fut merveille si la Belle put l’entendre, et cette fois son offre était si élevée qu’elle visait clairement à décourager toute opposition.

— Vendu, cria enfin le commissaire, à Nicolas, le Chroniqueur de la Reine et l’Historien en Chef du village de la Reine ! Pour la somme considérable de vingt-cinq pièces d’or.

Et tandis que la Belle observait la scène, les yeux mouillés de larmes, Tristan fut tiré sans ménagement au bas de l’estrade, précipité au pied des marches, et conduit vers l’homme aux cheveux blancs qui attendait posément, bras croisés, le gris sombre de son pourpoint finement coupé lui donnant une allure proprement princière, alors qu’il inspectait en silence son acquisition. D’un claquement de doigts, il ordonna à Tristan de le précéder, au trot, pour quitter la place.

La foule ouvrit un passage à Tristan à contrecœur, le poussant et le houspillant. Mais la Belle ne put apercevoir cette scène que d’un coup d’œil avant de pousser un cri lorsqu’elle s’aperçut qu’on la traînait à son tour hors du groupe des esclaves en pleurs, dans la direction des marches.

La Punition
titlepage.xhtml
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_000.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_001.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_002.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_003.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_004.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_005.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_006.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_007.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_008.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_009.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_010.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_011.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_012.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_013.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_014.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_015.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_016.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_017.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_018.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_019.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_020.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_021.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_022.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_023.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_024.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_025.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_026.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_027.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_028.html
Rice,Anne-[Les Infortunes de la Belle au Bois Dormant-2]_split_029.html